Analyse du budget 2016-2017 : la poursuite de l’austérité

Le gouvernement du Québec déposait aujourd’hui son budget pour les années 2016 et 2017. Voici un texte qui en résume les faits saillants, et qui analyse les décisions annoncées aujourd’hui par les ministres libéraux.

Des engagements insuffisants

La poursuite de l’austérité budgétaire dans les services publics

Le gouvernement va augmenter un peu plus que l’an dernier ses dépenses, par exemple en éducation (3 % de plus) ou en santé et en services sociaux (2% de plus). Ces augmentations sont loin d’être suffisantes. Elles ne vont pas compenser les compressions exceptionnellement violentes de l’an dernier, et vont à peine couvrir l’augmentation habituelle des coûts qui découle de la croissance de la population et de l’augmentation du coût de la vie. On peut donc s’attendre à la poursuite des coupures et de mesures qui vont affecter la population, et nuire à la justice sociale.

Coupures à l’aide sociale

Le gouvernement a annoncé une enveloppe supplémentaire de 10 millions de dollars pour l’éventuel programme Objectif Emploi. L’annonce survient alors que le projet de loi 70 qui doit instaurer ce programme de travaux forcés est encore à l’étude à l’Assemblée nationale. Rappelons que ce programme menacerait les premiers demandeurs d’aide sociale de se faire couper leur chèque (déjà insuffisant à 623$) de moitié. Cela étant dit, on n’annonce pas plus d’informations sur les pénalités qui pourraient être imposées en lien avec ce programme.

Le logement social : augmentations insuffisantes du financement

Le gouvernement continue d’affaiblir le programme Accès-Logis en ne mettant que très peu d’argent dans ce programme. Ça veut dire que seulement 750 nouveaux logements sociaux seront construits l’an prochain, alors que plus de 200 000 ménages au Québec ont des problèmes sérieux ou urgents de logements.

Groupes en défense collective des droits : aucune augmentation de financement

Fait à souligner, l’enveloppe dédiée aux groupes en défense collective des droits n’augmentera pas de manière significative. Le Fonds d’aide à l’action communautaire autonome (FAACA), qui finance aussi les Corporations de développement communautaire, recevra moins de 200 000$ de plus cette année ce qui équivaut à une coupure pour les groupes avec l’augmentation du coût de la vie.

Des mesures pour favoriser l’égalité femmes-hommes ?

Le gouvernement a annoncé une enveloppe d’argent pour financer deux programmes, l’un pour l’égalité entre les hommes et les femmes et l’autre, pour prévenir et lutter contre les violences sexuelles. Cela représente 2 millions de dollars sur 5 ans – un montant bien modeste. Rappelons que le gouvernement a coupé 40 % du financement du Conseil du Statut de la Femme pas plus tard que l’an dernier – suite aux déclarations bien tièdes de plusieurs ministres libéraux concernant le féminisme, on peut questionner si l’égalité femmes-hommes s’agit d’une réelle priorité pour ce gouvernement.

Des hausses de tarifs

La taxe santé sera abolie… mais à quel prix ?

Tel que promis l’an dernier, le gouvernement Couillard va abolir la taxe santé, contre laquelle les groupes sociaux au Québec se battent depuis son annonce en 2010. Une bonne nouvelle en quelque sorte mais on est en droit de s’inquiéter que cette mesure régressive ne soit remplacée par une mesure encore pire, soit une tarification accrue en santé. En fait, le gouvernement Couillard ouvre grand la porte à ce que les gens aient à payer de leurs poches de plus en plus souvent pour accéder au système de santé – ce qui favorisera l’accès des plus riches à un médecin au détriment du reste de la population.

Tarifs d’hydroélectricité

Les tarifs d’Hydro Québec augmentent plus vite que le coût de la vie depuis plusieurs années. Cependant, le gouvernement vient d’annoncer qu’il va baisser son tarif pour certaines entreprises privées. Le gouvernement du Québec continue donc à se servir d’Hydro-Québec comme moyen d’aller chercher de l’argent chez les particuliers (une sorte de taxe cachée, dont les impacts régressifs sont bien connus pour les ménages à faible revenu) et aussi comme moyen de subventionner en douceur des entreprises privées y compris dans le secteur de l’extraction des ressources.

Hausses de tarifs dans les CPE : le gouvernement recule légèrement

Le budget déposé aujourd’hui confirme qu’il y aura des coupures dans les CPE. Cependant, le gouvernement commence à reculer sur sa hausse des tarifs des garderies subventionnées, notamment en diminuant de moitié le tarif pour le deuxième enfant et ce de manière rétroactive à avril 2015 ce qui va affecter dès maintenant les retours d’impôt que les gens produiront dans les prochaines semaines. Le gouvernement s’est-il senti menacé par la mobilisation exceptionnelle de parents, des enfants et des gens qui travaillent dans ce secteur ?

Des cadeaux pour le privé

Beaucoup d’argent pour l’industrie minière

Bien que le gouvernement semble avoir peu d’argent pour les mesures sociales, il en a beaucoup pour soutenir l’industrie minière. Trois mesures retiennent l’attention : on met 450 millions de dollars dans le Plan Nord dans les cinq prochaines années, on augmente les crédits d’impôt pour les compagnies d’exploration minière, et surtout, on dépense pas moins de 620 millions de dollars pour décontaminer les anciens sites miniers. Bien que cette dernière mesure est sans doute positive d’un point de vue écologique, on est en droit de se demander pourquoi le gouvernement québécois, censé être à court d’argent, et non les compagnies minières concernées, doivent assumer ce coût. La mesure doit d’ailleurs servir à stabiliser l’industrie minière au Québec, qui est mal en point en ce moment, en créant des emplois dans le secteur minier en attendant que les prix des métaux augmentent de nouveau. Il s’agit d’un cas classique de privatisation des profits, et de socialisation des pertes.

Lutte à l’évasion fiscale

Les documents budgétaires consacrent une longue section sur la lutte à l’évasion et l’évitement fiscal. Cependant, toutes les mesures concrètes ont trait à un évitement à plus ou moins grande échelle – par exemple, le travail au noir, la contrebande de cigarettes, ou l’introduction de nouvelles factures dans les bars. Mais aucune mesure concrète n’est proposée pour lutter aux cas d’évasion fiscale à grande échelle, qui se joue à coups de dizaines ou de centaines de millions de dollars cachés dans des comptes secrets à l’étranger. Bien que ça soit aussi la responsabilité du gouvernement fédéral d’empêcher les plus riches de cacher leur argent à l’abri de l’impôt, et que ce soit un aussi problème international, le gouvernement du Québec pourrait prendre des engagements beaucoup plus clairs sur la lutte aux recours aux paradis fiscaux par les « gros joueurs ».

Une lutte à continuer

Les luttes sociales ont des effets concrets : continuons la mobilisation !

Si le gouvernement Couillard a commencé à reculer un peu sur la question des tarifs dans les CPE, si il remet un petit peu d’argent en éducation, si il a commencé à parler de paradis fiscaux, et si il a fini par abolir la taxe santé, c’est grâce aux pressions que les groupes sociaux, dont nous faisons partie, exercent depuis plusieurs années. Peut-on imaginer que le gouvernement ait agi de la sorte sans les douzaines de chaînes humaines autour d’écoles, sans la mobilisation des CPE, sans toutes les occupations de banques des derniers mois ? Bien que l’on ne puisse évidemment pas crier victoire à ces égards, il est clair que le gouvernement n’aurait pas fait ces mêmes choix sans la pression exercée par ces mobilisations.

Ainsi, mobilisons-nous pour ces prochaines actions :

– 21 mars : actions régionales contre les coupures à l’aide sociale et le projet de loi 70 (le 30 mars à Québec).

– 31 mars : action de la Coalition Main Rouge à Montréal pour réinstaurer la taxe sur le capital et pour que le gouvernement lutte réellement contre l’évasion fiscale. Évènement Facebook : https://www.facebook.com/events/983795078357255/

– Autour du 1er mai 2016 : Actions contre les mesures d’austérité et pour une meilleure distribution de la richesse dans le cadre de la journée internationale des travailleurs et des travailleuses (informations à venir).